France Angleterre : la veillée d'armes commence

Publié le par actu

 
 

 

 
Rugby (illustration)
MAXPPP

 

Chez nous le rugby est une histoire de famille et d'amitiés. C'est aussi une histoire de femmes puisque c'est à ma grand-mère Jeanne Normandin que je dois cette passion pour le ballon ovale. Lorsque j'étais enfant je passais la quasi totalité de mes week-end chez mes grands-parents tantôt à Vayres chez les Gautron, tantôt à Sadirac chez les Darmian. Et lorsqu'il y avait le tournoi des V Nations à l'époque j'étais forcément à Sadirac, car je savais que le match du XV de France serait au centre de mon temps libre.


C'était un véritable rituel. Ma grand-mère, secrétaire générale de la Mairie de Sadirac avait sa cuisine qui jouxtait le secrétariat de Mairie où seule la porte séparait tant bien que mal la vie privée de la vie publique. Ces samedis-là rien n'aurait pu la détourner du petit écran et même si nous n'avions pas les cornes de brume, la fièvre des gentlemen aux crampons envahissait jusque dans les moindre recoins de la souillarde. 

Un seul slogan "sus aux anglais !" Elle avait d'ailleurs une tendresse toute particulière pour les farfadets irlandais tout simplement parce qu'ils luttaient avec acharnement contre les gardiens de la rose. Rien ne pouvait la faire changer d'avis ! Il n'était pas pour elle concevable que l'équipe britannique remporte le Grand Schelm simplement disait elle parce qu'ils avaient coulé la marine française en Méditerranée et me disait elle : "tu comprends on ne peut pas leur pardonner. "

Ces paroles me laissaient souvent perplexe ne sachant pas du haut de mes six ans à quels événements tragiques cela pouvait faire allusion n'ayant pas encore maîtrisé mon histoire de France. je sentais que l'histoire était grave et que je n'avais pas le droit de poser de question : c'était comme cela et puis c'était tout. 

L'avant match se faisait d'abord par les commentaires de Roger Couderc qui pour elle avait rang de pape du ballon ovale. Sa voix résonne encore à mes oreilles d'enfant. Célèbre au-delà des générations pour son "Allez les petits" qui trouvera sa place dans une Allée du Pars des Princes il savait selon elle commenter les match comme personne puisqu'il y mettait son coeur et ses tripes et ça c'était le sésame de sa reconnaissance de férue du ballon ovale. "Lui, disait-elle, il sait de quoi il parle". Elle finissait toujours par me raconter les années qui pour moi avaient l'âge de la préhistoire où la télé n'existait pas. 

Par la suite le tournoi des V puis des VI Nations prendra les couleurs de l'amitié sans faille. Plus grande et soucieuse de préserver ma liberté de décision, déjà indépendante, j'ai préféré accompagner mon père chez Mitou et Régine. Là au pied de l'église de Créon, chez les Tauziet avec Jean-Claude Nouailles et René Cauhapè, tous compagnons des heures de lutte et d'amicale laïque, je m'installais dans un coin bien consciente que mon silence était de rigueur. Régine ou sa maman avaient forcément fait des crêpes et j'observais avec délectation les "hommes" refaire le monde, celui du rugby mais aussi celui de la politique créonnaise. J'en ai appris des histoires lors de ces matchs du XV de France, où la prune aidant, les langues se déliaient oubliant que je n'en perdais pas une. J'aimais cette fusion amicale qui les unissaient au-delà de toutes les chacailleries de la vie. Dans ces moments-là je suis certaine d'avoir touché l'amitié du doigt, la vraie, celle qui reste dans la réalité et les souvenirs.

Samedi soir, le "France Angleterre" pourrait bien être encore un nouveau moment d'amitié vraie, celle qui ne fait pas de bruit, mais qui soude au-delà des épreuves. C'est sans doute moi qui ferait les crépes ... Le temps passe, mais les valeurs que j'ai apprise en aimant le rugby restent toujours. Je débute la veillée d'arme ...

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