Les devoirs de vacances de Nicolas Sarkozy
Après les cérémonies pluvieuses de la fête nationale, Nicolas Sarkozy a fait un peu de sport au Cap Nègre, le 15 juillet 2010. ARSOV/SIPA
POLITIQUE - Il ne part pas bronzer le cœur léger...
Nicolas Sarkozy est arrivé ce mercredi au Cap Nègre, dans le Lavandou, pour passer la majeure partie de ses vacances. Mais le président n’est pas parti le cœur léger. Plombé par une cote de popularité au plus bas, il a dû emporter de nombreux devoirs de vacances dans ses cartons. Et si, paraît-il, les Français plébiscitent les cahiers de vacances, on peut assurer que Nicolas Sarkozy ne partage pas leur avis. Les dossiers présidentiels ont tout du casse-tête et à la différence des devoirs de vacances, le chef de l’Etat ne pourra pas se reporter aux solutions dans les dernières pages. Revue de détails.
Les retraites
C’est «le» gros dossier du quinquennat. La réforme phare, essentielle du mandat de Nicolas Sarkozy. Comme en son temps celles sur le travail dominical, le paquet fiscal, le bouclier fiscal, etc. Sauf que là, Nicolas Sarkozy doit se coltiner des syndicats remontés, des manifestants remotivés et une opposition vent debout contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Pas simple à faire passer lors de la session extraordinaire du Parlement, convoquée dès le 7 septembre surtout quand l’opposition compte sur «la rue» pour faire plier le gouvernement. D’autant moins simple quand le ministre qui porte la réforme, Eric Woerth, est au cœur de l’affaire politico-judiciaire Bettencourt. Le ministre du Travail est soupçonné de trafic d’influences et de conflit d’intérêts. Eric Woerth est affaibli, en témoigne la révolte des députés menée par Jean-François Copé en juillet dernier sur un texte qu’il défendait, mais Nicolas Sarkozy n’a pas ou peu de solution de rechange crédible. Et l’opposition fera tout pour le faire couler.
La sécurité
Avant de prendre ses vacances, Nicolas Sarkozy a réattaqué très fort sur le thème de la sécurité, en proposant d’élargir la possibilité de déchoir de leur nationalité des délinquants naturalisés français, tout en stigmatisant les Roms et les gens du voyage. Résultat: l’opposition et les associations crient au scandale, ce qui permet, mécaniquement, à la majorité de critiquer une opposition qui ne fait rien pour remédier aux préoccupations des Français. Une séquence maîtrisée, avec le temps, à la perfection par l’exécutif. Reste désormais à traduire cette volonté au niveau législatif. Et malgré les arguments du gouvernement, l’affaire n’est pas simple. Les amendements qu’Eric Besson doit présenter fin septembre à l’Assemblée encourent un risque d’inconstitutionnalité. Une défaite juridique pourrait provoquer un sérieux effet boomerang pour Nicolas Sarkozy, qui a fait de la sécurité son «totem politique». Il part de loin car pour l’instant, 59% des Français n’ont pas le sentiment que l’insécurité baisse, selon un sondage Ifop pour France Soir.
L’affaire Woerth-Bettencourt
C’est l’affaire à éteindre pour l’exécutif. Ce dossier, qui a débuté par un banal conflit familial entre une mère et sa fille, est devenu une tentaculaire affaire politico-judiciaire. Eric Woerth est soupçonné, pêle-mêle, de conflit d’intérêts, de trafic d’influence et de financement illégal de parti politique, le tout sur fond de «copinage» entre amis. Autant d’accusations que les deux hommes démentent fermement, mais les soupçons restent nombreux. L’affaire est potentiellement explosive pour l’exécutif mais pour l’instant, seules cinq enquêtes préliminaires ont été ouvertes par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, réputé proche de Nicolas Sarkozy, qui s’est pour le moment refusé à nommer un juge d’instruction. Surtout, les révélations successives abîment «la République irréprochable» appelée de ses vœux par le chef de l’Etat.
Sale ambiance au gouvernement
Pour travailler sereinement, il faut que l’ambiance soit saine, tous les manuels de management le disent. Pas de chance, ça ne risque pas d’arriver en septembre pour l’équipe de Nicolas Sarkozy. Pour coller à la rigueur réclamée aux Français, il a demandé à ses ministres de se serrer la ceinture. Et c’est les conseillers ministériels qui trinquent. Une centaine d’entre eux (sur plus de 500) vont devoir faire leurs cartons en septembre-octobre. Tous les ministères et secrétariats d’Etat sont touchés. Les ministres râlent et font grise mine mais appliquent la directive émanant de Matignon. L’ambiance est d’autant plus morose qu’une bonne partie de ceux qui restent savent qu’ils n’échapperont pas au couperet du remaniement prévu à l’automne.
Un remaniement à préparer
Le chef de l’Etat doit aussi plancher sur son futur gouvernement. En annonçant en juin un remaniement en octobre, Nicolas Sarkozy s’est obligé à agir. Mais comment ? Dans quelle mesure? Doit-il changer de Premier ministre? Mais qui mettre à la place de François Fillon? Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Justice? Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Ecologie? Matignon semblait promis à Eric Woerth, une hypothèse enterrée avec l’affaire Bettencourt. Doit-il mettre fin à l’ouverture et faire rentrer des grognards pour former un gouvernement de combat, politique? N’est-ce pas trop tôt? Bref, il a trois semaines pour trouver les réponses à cette équation à plusieurs inconnues.
La rigueur à mettre en musique
Là encore, c’est un problème complexe pour Nicolas Sarkozy. Il doit réduire le déficit de manière drastique les déficits – estimés à 8% en 2010 – pour tomber en dessous des 3% en 2013. Le tout, sans jouer sur le levier fiscal car, comme il aime le répéter, il n’a «pas été élu pour augmenter les impôts». Outre faire la chasse aux niches fiscales, un maquis compliqué à débroussailler et qui divise la majorité, le chef de l’Etat pourra difficilement faire l’économie de coupes dans les aides sociales. Au risque d’aggraver la crise.
Le rayon de soleil du G20
Quand il aura passé des heures sur des équations permettant de réduire le déficit et esquisser les contours de son futur gouvernement, Nicolas Sarkozy aura certainement mal au crâne, d’autant qu’il est sujet aux migraines. Pour se reposer l’esprit, il pourra réfléchir au G20 de novembre, qui sera sous présidence française. A l’ombre d’un pin parasol, il se souviendra du temps béni où il était le «président de l’Union européenne» lorsque la France assumait la présidence tournante de l’UE. Il aimerait en profiter pour affiner son image de régulateur de la finance mondiale et améliorer son image. En 2008, il avait notamment été sur le front de la guerre entre la Russie et la Géorgie et globalement, son action avait été approuvée par les Français. Mais qu’à l’époque, Nicolas Sarkozy avait bénéficié d’une vacance du pouvoir à Washington, puisque le pays était à quelques mois de son élection présidentielle.