Le 21 octobre 1999, Paul Vatine disparaissait
VOILE. Alors qu'il faisait route vers Carthagène avec Jean Maurel avec le secret espoir de remporter une nouvelle fois la Transat Jacques-Vabre, le skipper havrais Paul Vatine disparaissait dans l'Atlantique il y a dix ans...
Dans la maison familiale de Sanvic, dans la salle à manger, une photographie de Paul Vatine, bronzé et souriant, trône très haut au-dessus de la table… Mais qu’on ne se méprenne pas, la famille du navigateur havrais n’a pas transformé la demeure en mausolée.
Depuis dix ans, la famille Vatine n’a guère changé sa manière de vivre. Pierre, le frère aîné de Paul, vit à quelques centaines de mètres dans la maison de ses grands-parents, là même où le père Jacques avait aménagé son atelier de menuiserie. Celui-ci est décédé le 1er septembre dernier.
C’est lui qui avait poussé ses deux fils à faire de la voile à la MJC Porte-Océane. « Nous avions vingt ans, mais notre père voulait tellement que ses fils grimpent l’échelle sociale qu’il pensait que la voile en était un vecteur efficace. » Pour Paul, cette découverte de la course au large correspond totalement à l’idée qui l’obsède : ne jamais travailler à l’usine ou dans un bureau.
Dans la chambre de Paul, des slogans au marqueur, inscrits sur un poster, témoignent de son esprit de révolte : « Le second de personne » ; « Le quotidien n’est pas l’évidence » ; « Et si notre idéologie était la non-production ? » « Au bac, il avait eu 16 en philo », rappelle Pierre. « Il avait mené une réflexion très aboutie sur ce qu’il voulait… C’est pourquoi il pestait d’avoir à chercher des sponsors. Lui qui ne voulait pas d’attaché-case a été servi… »
Janine Vatine, la maman de Paul, parle peu de son fils disparu, mais son regard s’illumine quand son aîné souligne la volonté de son cadet à se surpasser pour se prouver qu’il serait quelqu’un, un jour… « Personne n’aurait pu l’arrêter, surtout pas moi », assure-t-elle.
Janine préfère se souvenir du jeune homme soucieux des autres que du libertaire survolté qui n’admet aucune autorité… « De nos origines modestes, Paul avait conservé ce sens de la simplicité dans son rapport aux autres », assure-t-elle. Les Vatine n’ont plus guère de contact avec le monde de la voile, mais reçoivent toujours avec beaucoup de plaisir, les marques de sympathie ou de reconnaissance. « Nous sommes fiers de voir le nom de Paul Vatine adossé au bassin de la Transat. Récemment, la Ville nous a demandé notre autorisation pour un arrêt sur la ligne 9 des bus », confirment Janine et Pierre. Ils ont entendu parler de l’hommage qui sera rendu à Paul, lors du démarrage de la Transat.
Là aussi, il n’y a pas de ressentiment face à la mer qui a emporté à tout jamais le corps du navigateur havrais. « A chaque fois qu’il partait sur une course, on s’attendait à ce qu’il ne revienne pas », confie Pierre Vatine. « Et puis, c’est arrivé… » Roger Langevin, skipper havrais qui vient de raccrocher, avoue qu’aucun marin havrais n’a su remplacer Vatine dans le cœur du public.
« Il reste la figure de proue de la voile au Havre », assure-t-il. « Je crois surtout qu’il a représenté la ténacité qui permet d’aller jusqu’au bout de ses rêves. Il a souvent galéré avec ses sponsors, mais son talent a brisé les obstacles. C’est pourquoi Paulo a tant marqué les mémoires. » Sur les hauteurs de Sanvic, les rêves écrits au marqueur sur un poster ne sont pas prêts de s’effacer.