Et si dezzer fermait?
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Au Midem,le marché international de la musique, le 18 janvier 2009 à Cannes./Eric Gaillard / REUTERS
CULTURE - C'est la rumeur qui a alimenté les couloirs du palais des festivals de Cannes...
Le premier jour du Midem est traditionnellement une journée calme. Chacun prend ses repères, ses rendez-vous. Cette année, une rumeur a lancé les débats plus tôt que prévu: Deezer va fermer. Le numéro 1 des sites d’écoute en streaming dans le monde se serait même déjà séparé de son charismatique PDG et fondateur, Jonathan Benassaya. Le démenti de Deezer n’y a rien fait, tout le monde n’a que cette rumeur aux lèvres dans les travées du Palais des Festivals cannois.
Streaming like a star
Les sites de partage de fichiers musicaux ou d’écoute en ligne, légaux bien sûr, étaient déjà promis à être les stars de ce 44e Midem. Et la rumeur Deezer démontre à quel point la diffusion digitale de la musique est désormais le nœud gordien des problématiques qu’affronte l’industrie de la musique.
Pour contrecarrer le peer-to-peer, les sites légaux d’écoute en ligne veulent apparaître comme le seul rempart. Avec des interfaces agréables, des fonctionnalités innovantes et une simplicité d’accès. Le problème, pour certains acteurs du monde de la musique, est que ces sites installent définitivement l’idée selon laquelle la musique est gratuite.
Le débat en était à ce point l’an dernier. Mais en 2010, la plupart des majors du disque ont signé des accords avec les sites de streaming, même émergents. «Il y a trois ans, au Midem, nous étions des pestiférés, les alliés des pirates, se rappelle Steve Purdham, directeur du site de streaming W7. Aujourd’hui, les maisons de disques discutent avec nous d’égal à égal.»
Les majors à leurs pieds
Second site d’écoute de musique en ligne en France derrière Deezer, avec 900 000 visiteurs uniques par mois, le tout jeune Wormee profite ainsi de son Midem pour élargir son offre: «Je viens de déjeuner avec les gens de Sony, seule major avec qui nous n’avons pas encore d’accord, et je signe dans un quart d’heure avec Beggars», s’enthousiasme Julien Hodara. Mais le directeur de Wormee n’ose pas se réjouir de la rumeur d’une fermeture de Deezer. «Notre vrai ennemi et concurrent, c’est le peer-to-peer. Qu’un acteur historique comme Deezer soit menacé serait une très mauvaise nouvelle.» Et un signal négatif lancé aux maisons de disques qui veulent de moins en moins croire aux business models des sites gratuits. «Nous sommes une filiale d’Orange, ce qui rassure nos interlocuteurs, explique Julien Hodara. Ils savent qu’on ne va pas fermer du jour au lendemain. Mais il faut les convaincre que notre interface et notre état d’esprit sont les meilleurs.»
La musique à la demande mentale
Au-delà des différences au niveau des contenus, de la fréquentation ou des performances techniques, difficiles à estimer avec précision, les sites d’écoutes en ligne se font concurrence sur le terrain de l’image. A Cannes, chacun fait sa pub et affirme développer l’environnement les plus interactif et le plus convivial. Steve Purdham, directeur de We7, dresse ainsi le portrait-robot du consommateur de musique de 2010: «Les nouvelles façons d’écouter de la musique nécessitent une inventivité formidable. Les gens veulent pouvoir écouter, à la seconde même où ils y pensent, le titre qu’ils ont en tête, sans avoir à attendre que la chanson se télécharge. Ils veulent partager leurs goûts avec leurs amis d’un seul clic, et veulent pouvoir piocher des listes de chansons selon les conseils de leurs amis. Puis à un moment, d’un seul coup, ils sont fatigués d’avoir à choisir et demandent à ce qu’on les nourrisse en musique qu’ils ne connaissent pas encore mais qu’ils veulent être sûrs d’aimer. Les sites de peer-to-peer n’offrent pas ça, les webs radios non plus. Les sites d’écoute en ligne doivent pouvoir répondre à cette versatilité dans la façon d’écouter la musique.»
A l’abordage de Deezer
Les absents ayant toujours tort, Deezer était, samedi, stigmatisé comme un vulgaire gros jubebox. Notamment par son futur concurrent direct, Spotify. Paul Brown, directeur stratégique du site britannique qui se lancera dans quelques mois à l’assaut du marché américain, qui vante les mérites de sa propre offre d’écoute entièrement gratuite mais entrecoupée, environ tous les quatre morceaux, d’une publicité sonore.
Encore discrets samedi à Cannes, les maisons de disques ont laissé le champ de bataille aux sites d’écoute en ligne. Car à ce 44e Midem, la question qui se pose n’est plus «quelle musique écoutez-vous?» mais bien «comment l’écoutez-vous?»