Les coulisses de la libération d'Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier
Province de Kapisa (Afghanistan). Des soldats français lors d’une patrouille dans la région où étaient détenus les ota
- Depuis quelques jours, tous les éléments pour une libération imminente étaient enfin réunis.
Le gouvernement français en avait été averti confidentiellement et un Falcon a décollé de la base de Villacoublay (Yvelines) dès mercredi matin, pour aller chercher les otages avant même que ces derniers n’arrivent à Kaboul. A bord de cet avion de la République française, le journaliste Paul Nahon, ancien responsable de France 3 qui continuait, infatigablement, à suivre l’affaire, et un psychologue de la cellule de crise du Quai d’Orsay.
Première douche
Taponier, Ghesquière et leur fixeur ont été récupérés par les services afghans puis les soldats français, mercredi matin. Ils ont été conduits sur la base opérationnelle avancée de Tagab, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Kaboul, où ils ont pris leur première vraie douche depuis un an et demi et passé une visite médicale, indispensable après un séjour en captivité dans des conditions très dures, dans un hameau perdu et sans électricité de la montagne afghane. « Ils sont en très bonne santé », indiquait un diplomate. Ensuite, ils ont été équipés de treillis militaires, casques et gilets pare-balles avant de les faire monter dans un hélicoptère. Une vingtaine de minutes plus tard, ils foulaient le tarmac de l’aéroport de Kaboul. La fin d’un calvaire de 547 jours!
Les trois hommes ont été conduits à l’ambassade de France. Ghesquière et Taponier y ont même échangé des plaisanteries avec quelques confrères de leur chaîne présents sur place. L’ambassade leur a présenté une synthèse de tous les événements intervenus dans le monde depuis leur captivité et les a informés de la mobilisation en France pour leur libération. Les ex-otages ont aussi été débriefés par les spécialistes de la DGSE.
Double jeu
Après plusieurs tentatives infructueuses ces derniers mois, la cellule de la DGSE (plusieurs dizaines de militaires), présente en permanence dans la capitale afghane, a fini par identifier ces dernières semaines la cause de ces échecs qui apparaissaient incompréhensibles. L’homme qui faisait tout capoter était un proche de l’entourage du président Karzaï. Cet intermédiaire jouait double jeu pour faire monter les enchères. On lui aurait très fermement fait comprendre qu’il était temps d’arrêter…
Parmi les conditions posées par les talibans pour libérer les otages, il y avait une rançon. Celle-ci a bien été versée, même si le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, affirme aujourd’hui diplomatiquement le contraire. La rançon, dont le montant reste inconnu, sera sans doute partagée entre trois groupes : les ravisseurs locaux (des Afghans de l’ethnie Pachaï), la choura de Quetta (le commandement politique des talibans installé au Pakistan et sous l’emprise du mollah Omar) et le commandement militaire taliban de Peshawar (Pakistan). Autre « monnaie d’échange », la libération d’un nombre non précisé de prisonniers talibans, obtenue grâce à l’accord du gouvernement d’Hamid Karzaï, que le président Sarkozy a vivement remercié hier.
Les ramener en vie
Pendant des mois, un intermédiaire afghan mandaté par les Français est passé d’un groupe à l’autre pour tenter de mettre tout le monde d’accord sur les conditions de libération des otages. Un véritable casse-tête. Ces dernières semaines, la chute fortuite d’un hélicoptère américain à proximité du village où étaient retenus les otages a accéléré opportunément les choses. Se sentant menacés par les opérations des militaires américains et français autour de l’hélicoptère endommagé, les talibans ont estimé qu’il était temps de conclure les négociations sur les otages.
Sachant précisément où se trouvaient Ghesquière et Taponier, grâce aux observations des drones américains et à leurs propres renseignements, les forces spéciales françaises et la DGSE, qui bouclaient la vallée pour éviter toute exfiltration des otages vers des groupes plus radicaux, actualisaient tous les jours un plan d’intervention militaire en cas de « danger direct pour la vie » des journalistes. Un plan que la configuration des lieux rendait très risqué. Tenu au courant, Nicolas Sarkozy avait répété à plusieurs reprises aux militaires qu’il voulait que l’on ramène les otages vivants. Mission accomplie.